Cette année fut difficile. Le Covid nous a, malgré nous, éloigné des jardins. D’une part parce que la fermeture du lycée a empêché la production de plantons de salades et d’autre part parce que l’éloignement n’était pas propice au démarrage des cultures.
Cependant, l’après confinement a encouragé les classes de l’école primaire à sortir, à prendre des distances aux jardins, ce qui ne fut que très tardivement le cas pour les étudiants du lycée, plus longtemps retenus chez eux.
Ainsi, d’intéressants résultats sont en passe d’être obtenus.
Ci-dessous deux images des jardins début août. Il est intéressant de noter la profusion de végétaux de toutes sortes à tel point que les bacs de culture sont presque difficilement visibles. Comparées à celles de jardins classiques, comme celle présentée plus bas d’un carré potager désherbé, traduisent évidemment une agriculture très différente de celle du début du siècle, mais assurément bien plus respectueuse de la diversité biologique.
Diversité biologique et diversité de cultures. On est à l’opposé de la monoculture, comme le montrent les images qui suivent.
Outre les huit bacs présentés ci-dessus, neuf autres zones sont utilisées aux jardins du Bois-Noir.
Trois d’entre elles se situent à l’ouest des bacs, juste à côté d’eux. Il s’agit de trois bacs à même le sol, disposé l’un en-dessous d’un noisetier (en haut de la figure ci-dessous) et planté de fraises et de pommes de terre, l’autre en dessous de celui-ci (en bas de la figure ci-dessous) comprenant de la rhubarbe, des pommes de terre et des fleurs et le dernier, bien plus petit à gauche de l’image, mais non visible, où divers essais de plantes intéressantes ont été faits.
L’avantage des bacs au sol est qu’ils se déplacent avec le terrain et qu’il n’est pas nécessaire de les clôturer profondément. Comme les plantes poussent tout aussi bien, notamment du point de vue de l’action des limaces, que dans les autres bacs, ils sont intéressants pour des comparaisons.
Une zone importante en surface et présente en raison de l’intérêt de ce comestible est planté au bas du terrain des jardins avec des pommes de terre.
L’intérêt de cette plantation est triple.
- Les élèves (de l’école primaire, mais aussi du lycée) aiment les chips. Or, il est relativement aisé d’en produire directement à partir d’une récolte de pommes de terre dans un four ou dans une petite machine à chips. Si la production est assez importante, les élèves sont en situation de producteur-consommateur et peuvent maîtriser eux-même l’ensemble de la chaîne.
- La culture des pommes de terre n’est pas classique. On le voit sur l’image ci-dessus, le terrain est herbeux et aucune motte de terre n’est présente. La technique utilisée consiste simplement à couper l’herbe, puis à poser les pommes de terre directement sur ce qu’il en reste et à les recouvrir périodiquement de l’herbe séchée, préalablement fauchée. Le résultat n’est évidemment pas uniforme, mais il a l’avantage de nécessiter très peu de préparation, d’utiliser comme un engrais vert et/ou paillage-buttage la matière végétale directement disponible sur place. De plus, les zones où ne vont pas se développer de pommes de terre, seront entretenues pour d’autres cultures à venir.
- La pomme de terre, dont la culture semble très bien maîtrisée, est loin d’est un comestible dénué d’intérêt (1). Le musée de l’Homme à Paris en faisait l’histoire cette année et il était prévu d’en apprendre beaucoup plus à son sujet pendant un après-midi complet. Aux deux sens du terme la culture de celle-ci aurait dû être abordée, comme son histoire dans le cadre de celle du papier. Enfin, sa génétique devait aussi être explorées par ses aspects OGM et les débat éthiques qui lui sont liés, cela via le procès fictif d’une superpatate. Malheureusement, le Covid a annulé le voyage à Paris et cette excellente initiative du Musée de l’Homme, à mi-chemin du Jardin des Plantes et de l’ethnologie, n’a pas eu lieu.
Une zone bien plus classique a aussi été utilisée à l’extrême ouest du terrain. Plus classique, car désherbée par un étudiant pour son travail de maturité, elle a été réutilisée dans cet esprit en maintenant l’absence d’herbes. Une tentative de semi de tournesol s’est soldée par un échec incompréhensible et, les élèves de l’école primaire ont réinvesti la zone avec des plantons de tournesol, de courges et tomates cultivés en classe. Le résultat est intéressant, mais comme ces plantations ont été tardives, il n’est pas sûr qu’elle porteront leurs fruits.
L’image ci-dessus montre le développement de comestibles sans paillage. L’arrosage a été important. Le paillage en contrebas est un reste du passage non sollicité d’un tracteur qui s’est permis de dénuder le terrain sans aucune raison apparente. Nous l’avons déposé là dans l’éventualité de grandes chaleurs pendant lesquelles il aurait pu servir sur le carré. Mais ce ne fut pas le cas.
Le développement de plantes sur cette parcelle dépouillée d’herbes est intéressante, car celui-ci ne semble pas être plus important qu’ailleurs. Tout au plus peut-on noter que les tournesols semblent bien se développer, mais, contrairement aux tomates, aucune comparaison n’est possible cette année, puisqu’ aucun tournesol n’a été planté ailleurs. Par contre, la délimitation du terrain étant plus claire, d’aucun y verront peut-être une meilleure culture. Mais, cela ne semble pas être le cas, même si elle ne semble pas non plus être moins bonne.
Finalement, vient une zone particulière, d’un tiers environ de la surface totale, située entièrement à l’Est des jardins, sur laquelle a été planté de jeunes arbres fruitiers. Quatre plants ont été faits. Deux pruniers, un poirier et un pommier. Ils ont été plantés en octobre 2019 après une préparation du terrain d’une année par un entassement d’herbes coupées qui ont rendu la terre moins dure.
Le poirier est mort d’une attaque de pucerons qu’il n’a pas été possible de maîtriser avec du savon noir et de la bande adhésive autour du tronc.
L’un des deux pruniers a été moins malheureux, même s’il a subi non seulement l’attaque des pucerons, mais aussi la Rouille. Après un traitement au savon noir, bandes collantes pour les fourmis et deux pulvérisations de cuivre (bouillie bordelaise), il reprend peu à peu son état normal. Mais c’est encore précaire et il n’est pas forcément sorti d’affaire.
Enfin, si le second prunier se porte comme un charme :-), le pommier a été si atteint par les pucerons, qu’il est moribond.
Restent trois zones qui font partie des jardins, mais ne sont pas à proprement parler à l’origine de comestibles. Il s’agit des compost, des réservoirs d’eau et de tout le reste du terrain.
Les jardins du Bois-Noir étant gérés en permaculture, les composts sont indispensables. Deux composts ouverts sont présents et on peut les voir tout en haut de l’image, juste derrière l’hôtel à insectes.
Ces composts sont alimentés essentiellement par les feuilles de l’automne et le foin qu’on voit sécher en avant plan à droite. Pour récupérer cet élément, l’ensemble du terrain est régulièrement fauché à la faux, mais pas en une seule fois.
Diversité biologique
Pour les même raisons que la nouvelle loi réglant la coupe de l’herbe en bordure de route et qui permet depuis très peu de temps de laisser pousser celle-ci à son maximum pour permettre, malgré le bruit, la pollution, et l’expansion des terres agricoles, l’habitat d’une plus grande diversité d’espèces d’insectes que précédemment, nous laissons de grandes parties du terrain se développer jusqu’à l’affaissement des plantes, avant de faucher. Cela permet d’augmenter le nombre d’insectes présents sur le terrain et donc sa fertilisation, de répartir la production de compost tout au long de la belle saison et facilite la coupe à la faux dans l’herbe sèche. En fin de compte, celle-ci est soit utilisée directement sur les plantations, soit compostée.
Dernier élément important : l’eau. Il faut savoir que les jardins ne disposent pas d’eau courante. Même si le rôle de l’eau en permaculture est beaucoup moins important que pour les cultures classiques, il arrive qu’elle soit nécessaire. Sur les deux réservoirs mis en place à l’origine des jardins, seul un seul à survécu cette année. L’autre a été percé par une pierre. Grâce à la bonne volonté des concierges du lycée (que nous remercions ici chaleureusement), deux autres grands réservoirs ont pu être mis en place, permettant une autonomie en période sèche d’une à deux semaines.
Nous parlerons aussi dans un prochain article des bacs qui se situent sur le parvis du lycée et dans lesquels se trouvent des fraises et des framboises et où ont été planté cette année des salades, de la bourrache et quatre plants de tomates. Ces bacs font partie des jardins du Bois-Noir, mais n’étant pas situés à la même place on les oublie. Pourtant, non seulement ils produisent, mais ils amènent aussi de la verdure à proximité immédiate du lycée. Leur défaut est qu’il est relativement difficile d’en assurer un arrosage régulier.
Voilà pour ce tour d’horizon des jardins en 2020. Il faut encore souligner l’investissement des élèves du lycée qui ont mis en place un financement (modeste, mais important) à la banque alternative suisse tout en réalisant des plantations dans les bacs du haut et celui des élèves de l’école primaire (2 et 3) qui se sont occupés des bacs du bas, des pommes de terre et de la parcelle ouest. Enfin, il faut remercier les habitants du quartier, au premier rang desquels Roberto qui s’est occupé entre autre du bac au sol sous le noisetier, habitants qui ont marqué leur intérêt par de nombreux conseils et un regard toujours bienveillant.
Ce lieu n’existerait pas sans toute ces bonnes volontés disparates mais fondamentales. Nous pensons que ce lieu va au-delà du jardin potager, qu’il constitue une mise en valeur d’alternatives à une agriculture classique, qu’il est un milieu naturel dans lequel peut évoluer tant le verre de terre que la limace, tant l’humain que le papillon et que par les rencontres qu’il a suscité et permettra encore, il peut nous rassembler vers un autre monde.
(1) Plantes cultivées en Suisse – la pomme de terre, Peer Schilperoord, Alvaneu, avril 2014, ISBN: 978-3-9524176-7-6
(2) Voir : Des nouvelles du potager
(3) Voir : Début des semis…